Deliveroo France a été condamné mardi à une amende de 375.000 euros pour « travail dissimulé« , le maximum prévu par la loi. Le tribunal judiciaire de Paris a infligé cette sanction lors du premier procès pénal en France de « l’ubérisation » avec comme enjeu le véritable statut de ses livreurs. Le tribunal a suivi intégralement les réquisitions du parquet qui lors du procès, le mois dernier, avait demandé la peine maximale de 375.000 euros d’amende à l’encontre de la plateforme, ainsi qu’un an de prison avec sursis contre deux ex-dirigeants français de l’entreprise. « Le délit de travail dissimulé » est établi, a affirmé la présidente de la 31e chambre du tribunal judiciaire en annonçant la décision.
Le groupe Deliveroo a indiqué contester « catégoriquement » cette décision et envisage de faire appel. Deliveroo a été condamné en outre à verser 50.000 euros de dommages et intérêts à chacun des cinq syndicats (CGT, Union Solidaires, Sud commerces et services, Sud commerces et services Ile-de-France et Syndicat des transports légers) qui s’étaient portés parties civiles pour « préjudice moral ». Les deux dirigeants ayant officié entre 2015 et 2017 ont également été déclarés coupables de « travail dissimulé ».
Un troisième cadre a été jugé coupable de complicité de travail dissimulé et écope d’une peine de quatre mois de prison avec sursis et 10.000 euros d’amende. Cette décision de justice devra être affichée, notamment devant les locaux de Deliveroo pendant un mois, a précisé le tribunal. Deliveroo est responsable d' »une instrumentalisation et d’un détournement de la régulation du travail« , dans le but d’organiser une « dissimulation systémique » d’emplois de livreurs qui auraient dû être salariés et non indépendants, avait estimé durant le procès la procureure Céline Ducournau dont l’avis a été conforté par le tribunal.
La « fraude » mise en place avait pour unique but d’employer « à moindre frais » ses livreurs, et peu importe si certains sont « satisfaits » de ce statut ou se « sentent libres« , avait-elle indiqué. Mardi soir, l’entreprise a annoncé qu’elle allait faire appel.
« Une première bataille de gagnée »
« C’est une première bataille de gagnée et un résultat que nous attendions depuis des années », a salué sur franceinfo maître Kevin Mention, avocat de plusieurs dizaines de livreurs Delivroo.
« Ces livreurs ont désormais un statut de victime qui est reconnu », s’est satisfait l’avocat, qui ajoute qu’avec ce jugement, « ils pourront désormais bénéficier, avec un procès à venir aux prudhommes, de congés payés, de salaires rétroactifs à hauteur du Smic. »
« Il faut fixer des limites et peu importe la volonté du travailleur, une société doit être condamnée lorsqu’il y a du travail dissimulé », a conclu Kevin Mention.